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La pensée de la mort...

La pensée de la mort m'a toujours été familière. En témoigne un épisode de mon enfance que je n'ai pas consigné dans mon autobiographie, et que je n'ai jamais confié à personne jusqu'à ce jour. Il y avait tant de choses à dire ! Une douleur à l'arrière droit du crâne et un mal de tête persistant depuis deux jours, conjointement avec le décès et les funérailles récentes d'une sœur qui m'était chère, m'ont ramené, mon grand âge aidant, à cette pensée de l'inéluctable fin de vie.

Agé d'une dizaine d'année sans doute, je souffrais de la conduite de papa, d'une intempérance notoire, et des conséquences néfastes que cela produisait sur nous, sur maman en particulier. Très pieux, il m'est arrivé un jour, seul dans la salle à manger, de m'agenouiller sur le carrelage entre le buffet et la porte – je m'y vois encore - et, dans une prière fervente et sincère, d'offrir à Dieu ma vie en échange de la guérison de papa, afin que tout rentre dans l'ordre. La vie m'importait peu, seul comptait le bonheur des miens, et surtout celui de ma maman. Ma prière ne fut pas exaucée. Papa resta intempérant jusqu'à la fin et je suis resté en vie.

Autre réflexion sur la mort un peu plus tard, évoquée cette fois dans mon récit. Une après-midi au patronage, dans la grande allée menant au château de Robersart, je joue à lutter avec mon copain Henri. Je tombe sur l'épaule et je ressens une douleur très vive. On m'a ramené à la maison et maman a appelé le docteur Druart qui a diagnostiqué une fêlure de la clavicule gauche. Là encore je me revois comme si c'était hier. Je suis allongé sur le dos dans le grand lit de mes parents où maman m'a couché, face à la grande armoire à glaces. Le moindre mouvement réveille la douleur comme un coup de poignard dans l'épaule, et j'imagine le pire. Contrairement au bon Brassens quelques années plus tard, je ne chante certes pas ''j'en appelle à la mort, je l'attends sans frayeur''. Plus question d'offrir ma vie. Non, l'angoisse domine et l'imagination se met à galoper... et si je mourrais maintenant ?... Romantisme enfantin, je suis toujours là et seule une petite bosse sur la clavicule a longtemps témoigné de l'incident. Il n'empêche, la pensée de la mort n'était jamais très loin.

Plus tard encore, pensionnaire en classe de seconde, âgé de quinze à seize ans, adolescent pieux, je m'endormais le soir dans mon alcôve en récitant mon chapelet. Je pensais à la Vierge, notre bonne maman du ciel, et à Dieu, notre Père, vers qui j'aspirais de tous mes vœux. Je me disais alors : ''encore un jour qui me rapproche de toi Seigneur !'' Puis ma vie s'est déroulée, enseignement, éveil d'une vocation sacerdotale, études au séminaire, prêtrise, rencontre de l'amour avec Cécile et retour à la vie laïque et à l'enseignement, mariage, naissance des enfants, retraite et décès de mon aimée, veuvage et adhésion au protestantisme. Au bout du compte, la mort n'était plus une vague pensée, elle était bien réelle et m'avait enlevé mon grand amour...

Et voilà que la camarde se rappelle à mon bon souvenir... Décès de notre plus jeune sœur il y a cinq ans, puis de l'aînée l'an dernier, et maintenant de ma sœur cadette il y a deux semaines... Et cette douleur récente au crâne, peut-être anodine mais peut-être annonciatrice de quelque chose de plus grave. Tout cela me rappelle qu'il me faut mettre à jour mon fichier ''décès'' à l'intention de mes fils, au cas où... Je n'aspire plus à la mort, mais je ne la crains pas pour autant. Je sais qu'elle viendra en son temps, au moment que seul Dieu connaît... et encore...

Je ne crains pas la mort, mais je pense surtout au désarroi de mon second fils, François, qui vit avec moi, et de tous ceux et toutes celles, parents et amis, pour qui j'ai encore de l'importance et qui comptent sur ma présence et sur mon écoute quand ils en éprouvent le besoin... Pour cela, et pour celles et ceux-là, j'espère encore vivre un bon moment, me sachant toujours utile, sinon indispensable, car nul ne l'est...

 

 

 

 

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