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Laïcité, tolérance et esprit d'ouverture

Hier midi est soulevée en famille la question de la foi et de l'athéisme. L'échange, informel en fin de repas, est surtout animé par mes fils et ma petite-fille qui se disent athées. Je n'y prends guère part car ils connaissent ma position, à la fois constante et nuancée, dans ce domaine. Finalement, dans le contexte actuel du procès des assassins de Charlie Hebdo, et de la décapitation récente d'un professeur d'histoire qui avait présenté en classe une reproduction d'une caricature du prophète Mahomet pour illustrer son cours, la discussion tourne autour des questions de laïcité, d'athéisme ou d'agnosticisme, de tolérance ou d'ouverture à l'autre.

Ancien prêtre puis adhérant au protestantisme libéral, ma foi, basée essentiellement sur les évangiles et libérée des dogmes définis par l'Eglise catholique au cours des siècles, est, en fin de compte, plus une espérance qu'une certitude indéracinable. Cependant je m'efforce de me comporter en conformité avec les principes et les valeurs évangéliques : amour des autres sans restriction et pardon des offenses, fondés sur l'exemple et les consignes de Jésus de Nazareth et sur une totale confiance en un Dieu Créateur et Père infiniment bienveillant.

A l'intérieur même d'une profession de foi ou de non foi, des nuances apparaissent. L'une, avec l'assurance de la jeunesse, affiche un athéisme tranquille et décidé : « Moi je suis athée. » Un autre, pour étayer son athéisme, cite un de ses professeurs qui leur a fait remarquer un jour, que si on ne pouvait pas prouver l'existence de Dieu, on ne pouvait pas non plus prouver sa non-existence. J'interviens alors pour demander si ce n'est pas une profession d'agnosticisme plutôt que d'athéisme.

« L'agnosticisme, c'est quoi ? » Il est vrai que le terme est peu courant. Il vient d'un terme grec, la ''gnose'' c'est-à-dire la connaissance, le savoir. Un a-gnostique est une personne qui ne connaît pas, qui ne sait pas... quoi ? Nombre de gens croient en une dimension spirituelle de la vie, en des relations interpersonnelles, en un au-delà de la mort. Cette ''impression'' se nourrit d'une difficulté à ne se percevoir que comme un conglomérat de cellules, une alchimie complexe régie par des lois physico-chimiques, un corps organique destiné à se fondre après la mort dans le tout cosmique. Cela peut se traduire par des ''sensations'', le sentiment de la ''présence'' invisible et impalpable d'un être cher qui nous accompagne à certains moments. J'en ai eu des témoignages sincères, même si moi-même je n'ai jamais éprouvé de telles sensations et si j'ai tendance à ne pas y croire.

Cependant l'agnosticisme est plus que cela et sa définition dans le Petit Larousse, rejoint la remarque du professeur cité précédemment. « Doctrine philosophique qui déclare l'absolu inaccessible à l'esprit humain et professe une complète ignorance touchant la nature intime, l'origine et la destinée des choses. » (PL 2002) Définition vague à souhait et qui, appliquée au fait religieux, induit l'impossibilité de la moindre certitude en matière de foi concernant l'existence d'un Dieu, son œuvre de création, et sa relation personnelle et collective avec le genre humain. Jésus de Nazareth a vraiment existé, les chercheurs, croyants ou non, s'accordent sur ce point. Sa morale est indéniablement d'une très haute valeur, tout comme celle d'un Ghandi ou d'un Nelson Mandela. Cependant ses assertions sur Dieu, son Père, dans le cadre du judaïsme où il a baigné sa vie durant, sont invérifiables à la seule raison et donc inaccessibles au savoir humain. On peut certes y adhérer, et c'est mon cas, mais sur la seule base de son témoignage et du ressenti que ce témoignage éveille en nous, sans ignorer le déterminisme du milieu culturel environnemental. En ce sens, comme l'a déclaré un jour un pasteur de mon Eglise Réformée, Je suis un croyant ''agnostique'', et tout croyant qui réfléchit sur sa foi et sur sa propre histoire de croyant ne peut se percevoir que comme ''agnostique''. Je ne sais pas, mais je crois = je fais confiance.

Si un non-croyant se déclare agnostique, c'est qu'il n'élimine pas a priori l'idée que ''quelque chose'' puisse exister qui échappe à nos possibilités de connaissances sensorielles et intellectuelles. Qu'est-ce alors que l'athéisme ? Recourons encore au Petit Larousse. « Attitude, doctrine d'une personne qui nie l'existence de Dieu, de la divinité. » (PL 2002) Définition radicale, sans appel. Cependant la formule ''Je ne crois pas en Dieu'' est ambigüe, car elle pourrait supposer que Dieu existe mais qu'on n'adhère pas à sa personne et à sa doctrine, alors que l'on nie son existence même. Il faudrait plutôt dire : ''Je ne crois pas qu'une divinité, une entité spirituelle quelconque, supérieure à nous et influant sur notre existence et sur notre destinée, puisse exister dans une autre dimension que notre espace spatio-temporel.'' Un peu long comme affirmation de non foi, comme déclaration d'athéisme, mais plus précise et plus complète.

Cela dit, nous ne nous sommes pas écharpés en fin de repas, et la notion de tolérance est apparue. ''Je ne juge pas ceux qui pensent autrement et je respecte leurs convictions.'' Personnellement cette notion de tolérance me met toujours un peu mal à l'aise. Je lui subodore comme un relent de condescendance. On concède que les autres puissent être différents de nous, avoir d'autres opinions, une autre philosophie de l'existence, mais on garde la certitude d'être dans le vrai. Cela me fait penser à la position de l'Eglise Catholique Romaine qui concourt à la réflexion sur l'œcuménisme, visant au rapprochement des diverses confessions chrétienne, mais qui se refuse à faire partie officiellement du Conseil Oecuménique des Eglises pour bien marquer qu'elle n'a pas à faire de concessions aux autres Eglises chrétiennes. Elle ne fait que les tolérer, leur reconnaître le droit d'exister, mais qu'en fin de compte, elles réintègrent le sein de l'Eglise mère, point barre.

A la notion de tolérance je préfère celle d'accueil et d'ouverture d'esprit. Cela suppose que l'on fasse l'effort de se mettre à la place de l'autre, que l'on tente de pénétrer dans son esprit, d'entrer dans sa démarche intime. Le but n'est pas de se convertir aux idées de l'autre en abandonnant ses propres convictions mais de se comprendre en profondeur. Il en est de même en amour. L'expression ''se faire des concessions'' pour l'harmonie du couple ne m'a jamais convenu. Il s'agit plutôt d'aimer suffisamment l'autre pour le comprendre, entrer dans son intimité, et s'ajuster l'un à l'autre pour vivre une entente profonde au-delà de nos différences physiques et de caractères, de convictions et de philosophie de l'existence, s'aimer, tout simplement.

C'est ce type de ''vivre ensemble'' qu'il faudrait s'efforcer d'instaurer entre les personnes et les communautés, mais, pour cela, il faut transformer les mentalités afin que chacun y mette du sien. Cela commence au sein du couple et de la cellule familiale, pour s'étendre au-delà comme les ondes provoquées par le jet d'une pierre à la surface d'un étang. Serait-ce si utopique que cela ?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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