Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

LA COMPLAINTE DU VIEUX CLOCHER

DOminant fièrement la place

De sa silhouette massive,

Il apercevait à sa gauche devant lui,

La Rue de l'Eglise

Où l'enfant venait de naître,

En ce 6 avril 1936,

Et, du même côté, un peu en arrière,

La Rue Obert où, dans quelques mois,

La petite famille déménagerait.

L'enfant y grandirait,

Deviendrait adolescent

Collégien puis lycéen,

Avant d'enseigner dans l'école privée

D'une commune voisine

 

REveillé par un frisson,

Quelques années plus tard,

Durant l'occupation allemande,

Au cours d'une nuit froide,

Il se rappela qu'une forte bourrasque

L'avait privé de sa flèche.

Le chapeau pointu

Ebranlé par des années de service

S'était écrasé à ses pieds :

Plus de couvre-chef pour le protéger

Des intempéries et du froid,

Glissant un œil au-dessous d'un auvent

Il constata que rien n'avait changé

La Rue Obert était toujours là,

Mais l'enfant avait dû grandir,

En primaire où déjà au collège ?

 

MIdi, un dimanche de décembre

Un cortège sort de ses entrailles.

Qu'avait-il enore enfanté ?

Une dizaine d'années

S'étaient encore écoulées.

L'enfant, devenu homme, était fêté

Avec un camarade d'enfance,

Tous deux jeunes prêtres désormais,

Au service de l'Eglise

Où leur baptême les avait enfantés.

Le vieux clocher s'en souvenait.

Toujours, la pierre demeure

Et garde en mémoire son vécu

Année après année.

 

FAtigué mais toujours debout,

Il avait maintes fois accueilli

La petite famille qui s'était agrandie,

Baptêmes et mariages,

Dispersion dans d'autres régions,

Et voilà que bien des années plus tard,

Toujours discrète, la maman courage

Avait glissé dans l'inconnu

D'un au-delà problématique,

Mystère de la mort.

Sa dépouille reposait dans le chœur

Veillée par le vaillant clocher,

Mais ce ne fut pas l'enfant prêtre

Qui présida la cérémonie.

Il avait changé d'orientation

Et fait son ''coming out'',

Plaisanta son fils aîné,

Non plus prêtre désormais

Toujours chétien cependant,

Et protestant maintenant,

La vie est ainsi faite de changements.

 

SOLitaire et toujours en place,

A la même grand'place,

Au centre de la commune,

Le vieux clocher doit accueillir

De nouvelles familles

Mais peu de prêtres à leur service.

L'imposant presbytère où logeaient

Un curé et trois vicaires,

Le shérif et ses adjoints,

Plaisantaient l'enfant et ses copains,

N'en abrite plus qu'un seul désormais,

« Encore heureux »,

Pense la sentinelle de pierre !

 

LA, SI, DO, mélancoliques

Les dernières notes s'égrènent

Et les clochers environnants,

Discrètement, pour ne pas déranger

Les citoyens affairés

Aux choses de ce monde,

Sentinelles esseulées,

Se parlent de villes en villages,

De clochers en clochers,

Afin de ne pas sombrer

Dans un marasme destructeur.

Ce n'est pas drôle de vieillir seul,

Inutile ou presque,

En ruminant un passé

Joyeux et glorieux

Mais qui n'est plus...

 

N'en déplaise au grand Lamartine,

Le temps ne peut suspendre son vol

 

Jean Dupont – ''Rêveries'' - 6 décembre 2020

 

 

 

 

Les commentaires sont fermés.