Les religions imposenent généralement des consignes restrictives concernant l'alimentation, sa préparation et la méthode d'abatage des animaux de boucherie. Ainsi, pas de porc pour les musulmans et de la viande hallal ; pas de viandes étouffées ni de porc chez les juifs et une alimentation kasher. Pour les chrétiens toutefois, pas d'interdictions. « Ce n’est pas ce qui entre dans la bouche qui souille l’homme; mais ce qui sort de la bouche, c’est ce qui souille l’homme. » (Matthieu 15.11). Ce qui sort de la bouche, c'est-à-dire les paroles traduisant des pensées mauvaises et entraînant des actions répréhensibles. Des restrictions cependant pour les catholiques et les orthodoxes : pas de viande le vendredi, remplacée par le poisson ou les œufs, et des consignes de jeûne en certaines occasions. Arrêtons-nous aujourd'hui à la notion de jeûne.
Toutes les religions préconisent le jeûne. C'est une distanciation par rapport à notre corps et à ses besoins vitaux, y compris le désir sexuel, pour une meilleure présence à Dieu dans la prière, et aux autres dans le partage. Ce que l'on a pu économiser en jeûnant, il est recommandé de le partager à ceux qui en ont besoin. Cela dit il faut reconnaître que, de nos jours, cette prescription du jeûne ne fait plus recette – si l'on peut dire. Au jeûne de nourriture on substituera plutôt le jeûne de télévision, d'ordinateur ou de jeux vidéos ; mais beaucoup n'y pensent même pas. Jeûner a une connotation négative, contre nature, et ne motive plus les croyants.
Mais le jeûne est-il vraiment contre nature ? Nous participons au règne animal, et il se trouve que nos amis à quatre ou à deux pattes, à poils ou à plumes, pratiquent spontanément et naturellement le jeûne quand ils se sentent malades, afin de réparer leur organisme. Cette constatation n'est pas nouvelle mais elle va à l'encontre des idées reçues qui font de la nourriture, une bonne nourriture s'entend, riche et abondante, la panacée d'une santé florissante. Or depuis toujours le jeûne a été conçu comme une thérapie restauratrice de l'organisme. Notre société occidentale, société d 'abondance, a occulté cette vérité. Elle a provoqué ainsi quantité de dérèglements hormonaux et métaboliques dont les signes les plus évidents sont le surpoids et l'obésité, la multiplication des cancers et des diabètes, que sais-je encore...
« Diverses expériences ont montré, sur le modèle animal, qu'une restriction alimentaire non excessive prolonge la durée de vie de nombreuses espèces (souris, rat, singe rhésus). Une étude publiée dans Nature en 2016 a aussi montré que ce jeûne s'accompagne d'une diminution des dommages à l'ADN. Sur une période courte, le jeûne intermittent permet une perte de poids et de masse grasse similaire à la restriction calorique ainsi qu'une augmentation de la sensibilité à l'insuline. » (Wikipedia) Parmi le corps médical, des voix s'élèvent pour rappeler ces vérités et inciter à des prises de conscience. Récemment mon fils aîné m'a fait découvrir le blog ''Bernard.Clavière.com'' et son livre ''Et si on s'arrêtait de manger... de temps en temps.''
Bernard Clavière se réfère à une médecine douce, alternative, et prend ses distances avec la médecine officielle. Celle-ci vise à rétablir la santé ou à la maintenir à coup de médicaments. Certains sont administrés pour combattre le mal qui a été diagnostiqué. Mais il est nécessaire d'en prescrire d'autres pour neutraliser les effets secondaires néfastes des premiers, et ainsi de suite, et l'on se retrouve avec une kyrielle de drogues à absorber quotidiennement, les unes palliant aux effets secondaires des autres.
B.C. part du principe que le corps est le premier et le plus sûr moyen de réparer les problèmes de santé, notamment, à l'instar de nos frères animaux, par le jeûne spontané et intermittent. Ainsi il se situe dans la ligne du Dr Henry G. Bieler (1893-1975), médecin américain reconnu pour ses contributions dans le domaine de la médecine alternative essentiellement basée sur des thérapies diététiques. Lui aussi préconisait le jeûne comme thérapie permettant au corps de se désintoxiquer et de se restaurer. J'ai acquis il y a bien longtemps son ouvrage au titre significatif ''Les aliments sont vos meilleurs remèdes'', écrit en 1965. Il est toujours d'actualité.
B.C. prône par ailleurs une médecine qui prenne en compte l'ensemble de la personne. Nous sommes indissociablement esprit et corps, Si l'esprit en nous ne va pas bien, notre corps s'en ressent, et l'inverse est tout aussi vrai. Il ne s'agit donc pas de combattre une maladie, mais de soigner une personne malade dans toutes les dimensions de son être. Il se rapproche en cela de Pierre Pradervand, le créateur des ateliers ''Vivre autrement'', auteur entre autres de l'ouvrage ''Vivre sa spiritualité au quotidien''. Marqué par ses origines, ce fils d'un pasteur calviniste genevois, a développé une spiritualité laïque, à travers son souci d'introduire les gens à un mieux-être par un mieux-vivre au jour le jour. Sans développer cette dimension spirituelle, B.C. se situe dans cette ligne en ne considérant pas le corps comme une entité à part mais en l'intégrant au tout de la personne.
Le jeûne alimentaire n'est donc pas l'apanage des religions. Il retrouve la place qu'il occupait déjà dans des médecines ancestrales avec une motivation de santé collective et personnelle. Ce qui, par ailleurs, n'empêche pas le chrétien, à côté d'un jeûne alimentaire intermittent non limité à la période du Carême mais observé uniquement pour raison de santé, de pratiquer un temps d'ascèse spirituelle annuelle en s'efforçant de résister aux sirènes de la société de consommation, dans des domaines non alimentaires, pour se recentrer sur l'essentiel de sa foi chrétienne, prendre du temps pour la relation à Dieu et pour le souci de ses frères en humanité.