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Adélaïde et sa maman

Nous longeons le front de mer sur la promenade du Professeur Debeyre à Berck-sur-Mer. A hauteur de l'hôpital maritime nous nous recueillons brièvement devant une humble composition, croix, fleurs et peluches, en souvenir d'Adélaïde, cette petite fille métisse de 15 mois retrouvée noyée sur la plage un matin de novembre 2013. Plus loin, tout au bout de le promenade une modeste plaque souvenir sur la palissade en bois au pied de la grande croix qui domine la baie d'Authie, nouvelle pause émue. Nous nous souvenons de ce drame qui a marqué les esprits cinq années auparavant et nos réflexions s'enchaînent.

 

Sa maman l'a abandonnée sur la plage à 21 h. face à la marée montante. La petite est assoupie dans sa poussette. La maman s'éloigne et regagne sa chambre d'hôtel. Le lendemain elle retourne chez elle dans la région parisienne. Dans la froide nuit de novembre les vagues se succèdent, amenant la marée toujours plus avant sur la plage. L'eau rampe jusqu'à la petite et la recouvre progressivement. Le lendemain matin un pécheur de crevettes trouvera le petit corps inanimé dans sa combinaison d'hiver, la poussette un peu plus loin. Il faudra neuf jours à la police pour remonter la piste et arrêter la jeune maman d'origine sénégalaise. Influences culturelles, emprise de la sorcellerie, ou froide détermination pour préserver ses études et sa vie de couple ? La justice tranchera. Elle retiendra des circonstances atténuantes pour altération du discernement et la condamnera à 20 ans de réclusion criminelle, ramenées à 15 ans en appel, avec injonction de suivi psycho-judiciaire et obligation de soins. Elle retrouvera sa liberté au plus tard en 2028.

La justice légale a été rendue. Un tel acte devait être sanctionné. Mais au-delà des actes il y a les personnes. La petite Adélaïde, qui n'avait pas été déclarée à la naissance, sa maman ayant accouché chez elle en l'absence de son compagnon, a trouvé une reconnaissance officielle et son corps repose dans une tombe au cimetière de Boulogne-sur-Mer, régulièrement fleurie par des personnes compatissantes. La maman est retombée dans l'anonymat médiatique au sein d'une prison. On peut supposer qu'elle y poursuit ses études, étudiante brillante, dotée d'un QI de 135, elle envisageait d'entreprendre une thèse en philosophie.

Mon fils réagit vivement à son habitude, ne voyant que l'acte monstrueux d'une maman qui organise son périple criminel de Saint-Mandé à Berck, à l'insu de son compagnon, et abandonne sa petite à la merci de la marée montante. Pour lui, aucune circonstance atténuante ne peut être invoquée. Une amie qui séjourne avec nous pour quelques jours de mini-vacances, est plus nuancée, mais elle insiste sur le côté monstrueux et planifié de cet infanticide. Pour ma part, je fais la différence entre l'acte et la personne qui le commet. Il est évident que cette action devait être jugée et sanctionnée, mais qu'en est-il de cette personne ? Comment va-t-elle vivre avec le poids de ce souvenir ? Comment va-t-elle se reconstruire ? J'ai plaint la petite Adélaïde, mais je plains aussi sa maman. Des paroles de foi me restent toujours en mémoire : ''Dieu seul sonde les reins et les cœurs'', ''Ne jugez pas et vous ne serez pas jugé'', ''A tout péché miséricorde''... La petite n'a plus besoin de nos prières. Selon la foi chrétienne elle repose en Dieu, enveloppée par sa tendresse infinie. C'est la maman qui a besoin que nous la portions dans notre prière, pour qu'elle trouve le chemin de la paix de l'âme, qu'elle s'engage dans une démarche de résilience et d'humanité renouvelée.

Au-delà de ces réactions personnelles et forcément subjectives, c'est toute la question du système judiciaire qui est posée. Notre justice française est essentiellement répressive, ce qui entraîne une surpopulation carcérale. Un jeune que j'ai connu dans le passé me disait au sortir de prison : « Tout ce qu'on apprend avec les autres c'est à mieux chourer. » Il existe d'autres systèmes judiciaires qui préconisent une justice réparatrice. Elle fait partie du système de justice pénale du Canada pour plus de 40 ans. Elle est basée sur une compréhension que le crime est une violation des personnes et des relations. Les principes de la justice réparatrice sont fondés sur le respect, la compassion et l'inclusion. Elle vise la prise de conscience de la gravité de l'acte commis, la réconciliation du délinquant avec lui-même et, dans la mesure du possible, avec les personnes à qui il a causé du tort. C'est une justice nettement plus humaine et positive.

 

 

 

 

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