Ces dernières années le végétarisme s'est développé en France. Il y a bien longtemps l'épouse d'un de mes frères l'est devenue pour raison de santé, sur la recommandation de son médecin traitant. Une de mes nièces, encore enfant, faisait de l'équitation. Amoureuse des chevaux, elle fut horrifiée d'apprendre que l'on mangeait de la viande de cheval, autant dire du cannibalisme à ses yeux innocents. Elle commença par en proscrire l'usage chez elle, puis refusa de consommer toute viande en général. Cela ne dura qu'un temps car ses parents mirent finalement le holà. La femme d'un de mes fils, toute gamine, refusa obstinément de manger la viande qu'on lui mettait dans son assiette quand elle réalisa qu'il s'agissait d'animaux que l'on avait tués pour cela. Malgré la pression de ses parents elle tint bon et devint végétarienne à vie. Paradoxalement, car on en vante les vertus nutritives, et pour des raisons de santé la viande peut donc être prohibée en certains cas par des médecins ; mais le plus souvent c'est l'amour des animaux qui motive le choix alimentaire du végétarisme.
Les animaux ont maintenant le statut officiel d'êtres sensibles. Cette prise de conscience jointe aux reportages sur la cruauté avec laquelle les animaux-objets sont traités dans les abattoirs, ont amené des concitoyens à opter pour le végétarisme. Même sans aller jusque là, tout le monde répugne à la brutalité de ces abattages en série. Des vidéos et des pétitions condamnant les excès de telles pratiques circulent régulièrement. Mon fils cadet, non végétarien par ailleurs, ne manque jamais de rappeler le respect et la reconnaissance des tribus amérindiennes envers les bisons qu'ils devaient sacrifier par nécessité vitale. Avant de tuer un animal, ils le priaient de bien vouloir leur fournir ce dont ils avaient besoin pour se nourrir, se vêtir et s'abriter. Dans le même ordre d'idée, la façon dont des poules pondeuses passent toute leur existence, du moins tant qu'elles sont productives, dans d'étroites cages individuelles, sous un éclairage constant pour augmenter leur rendement, a révolté bien des téléspectateurs. Les pauvres volailles, condamnées aux travaux forcés pour notre confort, sont hâves et perdent leur plumage en se frottant au grillage de leur prison. Le respect du règne animal dont nous faisons nous-mêmes partie est aussi un facteur de développement du végétarisme.
Enfin il est une autre raison, celle qui m'a amené personnellement à devenir végétarien, c'est la quantité d'eau nécessaire à l'élevage du bétail, et l'étendue des terres cultivables pour produire leur alimentation alors que des populations entières souffrent du manque d'eau et de la famine de par le monde. Je me réfère ici à un article comparatif de Catherine Keller dans Wikipédia en avril 2008. « Il faut 500 à 2000 litres d’eau pour produire un kilo de légumes ou de céréales. Pour un kilo de viande, il en faut 100 000 (Source: Science et vie N°955 p.34). De plus, 64 % des terres cultivables sont exploitées pour l’alimentation animale, car il faut 16 kilos de végétaux pour produire 1 kilo de viande. Enfin, quand la production de viande devient industrielle, les déjections animales causent une véritable pollution. En Bretagne, où l’élevage industriel est intensif, les nappes d’eau contiennent un taux de nitrates nettement supérieur aux normes européennes, 47 % sont dus à l’agriculture et 51,1 % à l’élevage. L’eau du robinet n’étant plus potable, les consommateurs achètent de l’eau en bouteille, ce qui implique un coût important et une accumulation de déchets plastiques (Source: Eaux et rivières de Bretagne N°103 mars 1998) »
Toutes ces raisons m'ont amené au végétarisme il y a trois ans. Cela a coïncidé avec un article du pasteur de l'Eglise Réformée d'Arras dans l'hebdomadaire Réforme. Il proposait un ''carême végétarien'' pour la préparation aux fêtes de Pâques. J'ai pu le joindre au téléphone. Il m'a dit que lui, sa femme et ses enfants étaient devenus végétarien. C'était par ailleurs un écolo convaincu qui se déplaçait essentiellement à bicyclette ! Depuis il a repris un poste en Allemagne. On trouve dans la Bible un texte résolument végétarien, mis en forme définitive à l'aube du 5ème siècle avant notre ère et décrivant une société idyllique où tous les êtres vivraient en harmonie, thème repris plus d'une fois par certains livres prophétiques (Cf Esaïe 65, 25) Voici ce passage, extrait du premier récit de la Création : « Dieu dit : Voici, je vous donne, pour vous en nourrir, toute plante portant sa semence partout sur la terre, et tous les arbres fruitiers portant leur semence. Je donne aussi à tout animal vivant sur la terre, aux oiseaux du ciel, à tout animal qui se meut à ras de terre, et à tout être vivant, toute plante verte pour qu'ils s'en nourrissent. Et ce fut ainsi. » (Genèse 1, 29-30) Peut-on rêver d'un texte plus explicite ?
Gardons-nous cependant d'un extrémisme en la matière comme dans toute conviction personnelle. Les comités d'action véganes qui vandalisent les vitrines de bouchers-charcutiers, à Lille ou ailleurs, desservent en fait la cause du végétarisme aux yeux de l'opinion publique. Il ne faut pas faire un dogme du végétarisme. A mon humble avis et dans quelque domaine que ce soit, les dogmes ne sont pas productifs mais sources d'enfermement.