Première réaction sur mon manuscrit...
Elle me vient de mon ami médecin en retraite qui en assure la première relecture. Il m'avait rendu le même service pour mon autobiographie ''Le chèvrefeuille et le coudrier''. Il a donc un préjugé favorable. Bien que n'étant arrivé qu'à la troisième poésie, ''Boulevard de la liberté'' à la page 10, il me donne déjà sa première impression. Je retiens cependant son appréciation et son interrogation qui sont le point de départ de cette nouvelle note sur mon blog, et constituera par la même occasion l'ultime ajout à mon manuscrit sous la rubrique ''L'amour humain''. Voici ce qu'il vient de me communiquer : « Texte original et enthousiasmant, arrivé à la page 10 une question a priori : est-ce que tu abordes la question de la sexualité et de l'érotisme ? » Par principe, je ne veux pas éluder les questions qui me sont posées, d'où qu'elles viennent et quelles qu'en soit la teneur. Je vais donc m'efforcer d'y répondre ce matin sur mon blog et cette réflexion étoffera ensuite mon manuscrit.
A vrai dire cette question de la sexualité et de l'érotisme, si elle ne m'a encore jamais été posée comme telle, s'est trouvée plus d'une fois sous-jacente à mon écriture, toujours avec pudeur, pour préserver notre ''jardin intime'' me disait hier mon aîné à qui je partageais l'interrogation de mon ami. Elle affleure dans plus d'une de mes ''poésies'' (j'hésite toujours à qualifier ainsi mes ''versifications'', mes ''rimaillages'' comme j'aime les dénommer). Ainsi dans ''Boulevard de la Liberté'', et aussi ''S'aimer en secret'', et encore ''Histoire sans parole'', et puis dans ''Nous nous aimons'' : ''nus et tremblants, novices et maladroits'' au moment de nous unir pour la première fois, et enfin dans ''Le jour des noces'' : ''pas de joute amoureuse ni de détails croustillants''. Quant à ''Lune de miel'', je botte en touche : ''une vraie nuit de noces cette fois-ci'' mais ''comme sur Euronews, ''no comment'' : rideau !'' Autrement dit : Circulez, y a rien à voir ! Sexualité et érotisme sont présents sans contredit, mais simplement évoqués et sous-jacents à nos frôlements durant la période de notre amour caché et perçus plus tard par une amie de Cécile : « Elle évoquait souvent avec pudeur l'amour qui vous unissait » (Denise)
De manière plus explicite j'ai cependant abordé le sujet dans mon premier ouvrage, ''Le chèvrefeuille et le coudrier'' aux pages 123-124, ''L'éveil de la sexualité'' surtout au dernier paragraphe. « Durant longtemps, la sexualité fut pour moi une source d'angoisse et de culpabilité. Il me fallut des années et jusqu'à mon arrivée à Roubaix comme aumônier, alors âgé de 33 ans, pour que je finisse par admettre que le besoin sexuel est inhérent à la physiologie humaine au même titre que le besoin de nourriture et de sommeil, et que le satisfaire en solitaire quand on ne peut pas l'assouvir autrement, n'est pas un ''péché'' qui offenserait Dieu, mais un acte naturel qui ne nuit à personne. » Fort heureusement par la suite l'amour de Cécile m'a permis d'épanouir ensemble ce besoin sexuel, sublimé par nos sentiments, réalisant l'union de nos corps et de nos cœurs. Quant à l'érotisme, il transparaissait dans l'expression du Père Michel Quoist, adoptée avec enthousiasme par Cécile ''La fête des corps'', préférée au ''faire l'amour'' communément utilisé et chosifiant quelque peu l'acte d'amour.
Voilà, mon ami, je n'en dirai pas plus nous concernant, mon aimée et moi. Une dernière anecdote cependant. Pour leur mariage religieux, mon fils et sa fiancée avaient choisi un extrait du ''Cantique des Cantiques'', long poème érotique inséré dans la bible, et nous avaient proposé de le lire à deux au micro, ce que nous fîmes avec émotion et conviction.
« Cécile - J’entends mon bien-aimé, oui, le voici, il vient, sautant sur les montagnes et bondissant sur les collines. Mon bien-aimé ressemble à la gazelle ou à un jeune cerf. Le voici : il est là, derrière notre mur, guettant par les fenêtres et lançant des regards à travers les treillis. Mon bien-aimé me parle, et il me dit :
Moi - Lève-toi, mon amie, viens donc, ma belle, car l’hiver est passé et les pluies ont cessé, leur saison est finie. On voit des fleurs éclore à travers le pays, et le temps de chanter est revenu. La voix des tourterelles retentit dans nos champs. Sur les figuiers, les premiers fruits mûrissent. La vigne en fleur exhale son parfum. Lève-toi, mon amie, et viens, oui, viens, ma belle. »
Cette lecture à deux voix avait impressionné une jeune amie de notre fils qui nous a confié après la cérémonie : « On aurait dit que c'était votre propre texte que vous lisiez, c'était vraiment à vous de le dire ! »
Sur un plan plus général au-delà de notre expérience personnelle d'amants et de croyants, la bible toute entière est imprégnée de la dimension sexuelle de notre être et de notre condition humaine. Dès les origines toute la Création est sexuée, le règne animal comme l'humanité, mâles et femelles, homme et femme. - En anglais, ''une femme'' se dit ''a female'', explicite mais pas grossier pour autant. - Dans la bible l'union se traduit par le terme ''connaître'' : « Adam connut sa femme Eve. Elle tomba enceinte et mit au monde Caïn » (Genèse 4, 1) J'aime beaucoup cette façon d'exprimer la relation sexuelle car elle englobe toute la personne et ne se limite pas au sexe. Toujours dans la bible, c'est le couple qui est fait à l'image de Dieu. « Dieu créa les hommes de sorte qu’ils soient son image, oui, il les créa de sorte qu’ils soient l’image de Dieu. Il les créa homme et femme » (Genèse 1, 27), et non l'homme ou la femme dans leur individualité.
Le christianisme est ancré dans le judaïsme. Malheureusement il a mis de côté cette composante très humaine de la sexualité et de l'érotisme. Dans le catholicisme en particulier, le thème du plaisir, et encore plus celui de la jouissance, n'ont pas bonne presse, Après mille années de vie d'Eglise, les prêtres ont dû faire profession de célibat, renoncer aux joies et à l'épanouissement de l'amour vécu en couple, et à la fécondité d'une descendance. Bref, ils ont dû s'amputer de tout un pan de leur humanité. Il a fallu attendre les fondateurs du protestantisme pour que des responsables d'Eglise à la suite de Luther et Calvin, entre autres, retrouvent dans leur chair et dans leur cœur cette dimension sexuelle et érotique de leur condition d'hommes et que, d'autres part, des femmes puissent accéder également à ces responsabilités pastorales.
Ces jours-ci, je goûte beaucoup la série télévisée danoise ''Au nom du père'' qui met en scène une famille de pasteurs de père en fils, où la sexualité est partout présente ainsi que l'érotisme qui lui est inhérent, traité discrètement par ailleurs, sans le voyeurisme qui l'accompagne trop souvent sur le petit et le grand écran. Ancien prêtre moi-même, marié et père de famille, je pense qu'il est très ''sain'' de présenter ces personnages qui ne sont pas des ''saints'' loin s'en faut – qui peut prétendre l'être ici bas – mais tout à la fois profondément croyants et profondément humains. On retrouve cette même humanité et ce mélange de foi dans une existence troublée, chez le prêtre mexicain du roman de Graham Greene ''La puissance et la gloire''. Le pauvre homme a ''fauté'' et a eu un enfant avec une de ses paroissiennes, puis il a dû renoncer à sa foi et prendre femme sous la pression d'un régime totalitaire et anticlérical, mais, resté intérieurement fidèle à sa foi, il ira jusqu'à la mort pour secourir un mourant, humblement, sans héroïsme particulier.
Bien entendu il ne s'agit pas ici d'un exposé sur la question de la sexualité et de l'érotisme au regard de la foi chrétienne, mais simplement de considérations faites à partir de mon vécu et de mon ressenti à la lumière de ma propre foi, mais il serait intéressant et productif qu'une telle étude puisse être faite. D'ailleurs peut-être a-t-elle déjà été abordée, ce qui ne serait pas étonnant...