Pour les Journées du Patrimoine, la paroisse a proposé aux visiteurs une Expo-Bible dans le temple. En cette occasion, notre pasteur a demandé à certains d'entre nous de donner un témoignage sur la place de la Bible dans notre vie. Huit interventions très variées ont été produites au cours du culte dominical. Personnellement, cela m'a permis un retour sur moi-même qui complète et explicite certaines étapes de mon parcours de vie, publié récemment sous le titre ''Le chèvrefeuille et le coudrier''. Ainsi j'ai pu témoigner que la Bible, comme livre et comme message, a occupé, très progressivement à dire vrai, une place de plus en plus importante dans ma vie quotidienne.
En premier lieu, la bible comme livre
Elevé dans le catholicisme, je n'avais jamais vu de bible. Il n'en existait pas à la maison. Elle n'était pas exposée dans les églises catholiques comme elle l'est dans les temples protestants. Je n'en connaissais l'existence que par des extraits, lus à la messe le dimanche. Ce n'est que bien plus tard, en 1953, à l'âge de 17 ans, qu'on nous proposa, en classe de terminale, d'acquérir la ''bible du cardinal''. Elle était ainsi nommée parce que le cardinal Liénart, évêque de Lille, avait pris l'initiative de faire publier une bible bon marché dans le but de la faire connaître et de la répandre largement dans les foyers de son diocèse. J'avais enfin une bible, à la jaquette vert foncé en carton dur vernissé et à la tranche rouge, Objet de respect dans mon adolescence, il m'arrivait d'en cirer la couverture pour lui garder tout son éclat, mais aucun guide ne s'est présenté pour m'initier à sa lecture. C'était un objet symbolique censé mettre la Parole de Dieu à la portée de tous.
Cinq années plus tard, en 1958 j'ai acquis une deuxième bible. J'avais alors 22 ans et j'étudiais en vue de devenir prêtre. C'était la ''bible de Jérusalem'' annotée et commentée. Elle était ainsi nommée parce qu'elle était traduite et publiée par l'école biblique de Jérusalem. Cette fois je bénéficiais d'une initiation. Nous en faisions une lecture guidée quotidienne, collective et méditative, durant un quart d'heure, et nous l'étudiions en cours. Désormais je la lisais et je la décortiquais, crayons de couleur en main pour cocher en marge dans le livre de la Genèse les passages relevant des diverses traditions yahvistes, élohiste, deutéronomiste, et les ajouts de la rédaction finale. La bible n'était plus un objet de vénération, intouchable, mais un objet d'étude et le vecteur d'un message de vie.
Bien plus tard encore, en 1990, j'ai découvert une troisième bible, toujours dans le catholicisme, alors âgé de 54 ans. Mon épouse était elle-même initiée à l'étude biblique pour sa formation de permanente en pastorale et en catéchèse. Ses formateurs utilisaient désormais la TOB, traduction œcuménique de la bible, abondamment annotée et commentée. Grande nouveauté, nos frères protestants et orthodoxes étaient associés à sa traduction, aux introductions des différents livres et à ses notes en bas de page.
Enfin, la première bible Segond que j'ai possédée et offerte à deux jeunes filles que j'avais accompagnées vers le baptême, je l'ai trouvée par hasard en tête de gondole à Auchan pour le prix de 1,50 €. En la leur offrant le jour de leur baptême, en avril 2010, dans une dédicace humoristique, je leur ai signalé qu'elle coûtait moins cher qu'un camembert ! C'était vraiment la Parole de Vie à portée de toutes les bourses, et dans un temple de la consommation qui plus est ! C'est ainsi que j'ai eu en ma possession de manière fortuite, en faisant des emplettes, une bible ''protestante'' peu avant de m'intéresser moi-même au protestantisme.
Une conviction en second lieu : le Sola Scriptura
C'était cinq années après le décès de mon épouse. Comme je ne souhaitais plus m'investir dans des tâches d'organisation de paroisse et de doyenné, mon curé m'avait confié le catéchuménat adulte. C'est ainsi que j'ai été amené à préparer au baptême deux sœurs de 19 et 22 ans dont je viens de parler. J'ai décidé de me baser uniquement sur la bible pour les initier à la foi chrétienne, laissant de côté les parcours proposés par la catéchèse diocésaine. Sans revendiquer dans les termes le ''sola scriptura'', je l'appliquais dans les faits. Bien des éléments de la doctrine catholique que j'étais censé leur transmettre me gênaient. Je ne pouvais me résoudre à les cautionner et il m'arrivait d'émettre des réserves. Je n'entre pas dans les détails. Ce que je veux souligner c'est que, désormais, la bible était devenue ma seule référence en matière de foi. Le passage au protestantisme ne s'est pas fait attendre. J'y adhérais l'année suivante à la Pentecôte 2011 à l'âge de 75 ans. J'ai eu la chance d'y approfondir l'étude historico-critique de l'Ecriture. Elle a pris le relais de ma formation à la prêtrise. La bible est redevenue pour moi un Livre de Vie.
En troisième lieu et pour conclure, la bible, un chemin de rencontre
Pour en revenir à l'objet de cette intervention - la bible dans ma vie - je dirai que la bible est pour moi un chemin de rencontre avec nos aînés dans la foi, et avec Dieu
Tout d'abord, rencontre avec nos aînés dans la foi. Je pense ici tout particulièrement aux prophètes qui ont été agi par Dieu et qui ont témoigné dans leur vie, leurs actes et leurs paroles, de sa présence aux hommes et aux femmes de leur temps. J'ai une sympathie toute particulière pour le prophète Osée et ses déboires conjugaux. Ils lui ont permis d'exprimer l'amour inconditionnel du Père pour chacun et chacune d'entre nous, et pour le prophète Amos qui me guide dans ma vie de foi au quotidien.
Mais aussi et surtout, rencontre avec Dieu, au fil des récits qui se suivent dans le Livre des livres, des livres tous différents mais présentant chacun des aspects de notre Dieu, si insaisissable dans la totalité de son être. Chaque livre de la bible nourrit ma foi. Dans le passé, influencé par des productions cinématographiques, j'étais impressionné par l'image de patriarches rudes et sévères, ouvrant une bible imposante pour en lire un passage en vue d'édifier la tablée familiale. Image d'un protestantisme traditionnel, dépassé tant pour l'austérité que je n'ai pas trouvée dans notre communauté chaleureuse et bon enfant, que pour l'assiduité à la lecture biblique en famille qui s'est un peu perdue. Cependant, en ce qui me concerne, je m'efforce de lire la bible d'un bout à l'autre, j'y suis déjà arrivé une fois et je m'y suis remis récemment. C'est une façon de s'ouvrir à la rencontre de ce Dieu qualifié de Père par Jésus de Nazareth. On le rencontre aux détours des pages du Livre telles qu'elles se présentent à nous, ainsi que dans les méandres de notre existence, là où on ne l'attend pas.
La bible, en tant que livre, n'est plus sacrée pour moi, et je n'en cire plus la couverture, mais la Parole de Dieu qui m'atteint à travers elle m'est, quant à elle, Source de Vie.