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Marie-Paule et la porte étroite

Dans dix jours, le dernier dimanche de septembre, une amie doit prêcher au temple sur le texte du jour. « Quelqu'un demande à Jésus : Maître, n'y a-t-il que peu de gens qui seront sauvés ? Il répond : Efforcez-vous d'entrer par la porte étroite, car, je vous l'affirme, beaucoup essaieront d'entrer et ne le pourront pas. » (Luc 13, 23-24) Ce passage n'inspire guère mon amie, car il ne reflète pas l'attitude générale du Sauveur envers tous et principalement envers les pêcheurs. Et voici que, hasard ou plutôt signe de l'action de Dieu dans notre quotidien, nous rendons visite à une de mes anciennes voisines au cours d'un pèlerinage de mémoire dans la commune de mon enfance. Au cours d'une conversation à bâtons rompus, Marie-Paule, 88 ans, croyante généreuse et active dans sa paroisse il y a encore peu de temps, nous confie son inquiétude. « Beaucoup disent qu'ils n'ont pas peur de mourir, moi, si. Parce que l'évangile dit qu'il faut passer par une porte étroite pour arriver au ciel. ». Tiens donc, on retrouve le même texte ! Coïncidence ou action de l'Esprit Saint ? 

Au ton de sa voix nous sentons bien qu'il s'agit pour elle d'une question existentielle et non d'un débat d'idées. Elle nous dit que c'est lors d'une réunion de l'équipe liturgique à laquelle elle participait qu'elle a été confrontée à cette parole de Jésus. Sur le moment, pris de court, nous la rassurons de notre mieux, sans approfondir son questionnement. Le soir, de retour chez moi, je lui téléphone pour lui dire ma joie de l'avoir retrouvée... et le problème de la porte étroite refait surface. Dans un premier temps je lui réponds plaisamment qu'elle n'aura qu'à la passer de biais quand son heure viendra puis, plus sérieusement, qu'il faut toujours placer les phrases d'évangile, quelles qu'elles soient, dans le contexte général de l'évangile. Ce terme, venant du grec, signifie ''Bonne Nouvelle''. Cette bonne nouvelle est le salut offert à tous par Dieu, notre Père, et par son envoyé, Jésus, le Christ. Celui-ci est venu ''chercher et sauver ce qui était perdu'' en chacun de nous, mais aussi celles et ceux qui se seraient égarés et auraient dévié de la voie droite, la voie du Bien, celle mène au Royaume de Dieu. Tout en m'écoutant, elle réfléchit et conclut d'elle-même : « Au fond, je manque peut-être d'espérance. »

En bonne étude des textes, j'aurais pu tenter de replacer cette rencontre de Jésus dans son contexte historique, puis retrouver les questions qui se posaient dans l'Eglise Primitive au moment où l'évangéliste a rédigé son texte, cela afin d'éclairer cette parole du Seigneur, un peu rude de prime abord, et de la traduire pour nous au XXIème siècle. Mais ce n'était ni le lieu ni le moment de faire de l'exégèse. Il fallait, d'abord et avant tout, entendre l'inquiétude diffuse de Marie-Paule et l'amener à formuler d'elle-même la conclusion qu'elle a tiré de notre échange : vivre l'Espérance.

Personnellement, je conçois la porte étroite évoquée par Jésus comme un passage que l'on ne peut franchir si l'on est encombré de trop de choses qui nous semblent nécessaires mais qui, quand on y réfléchit bien, sont en fait inutiles ou superflues. Seul ce qui est essentiel compte pour nous mener au Père. Une image me vient à l'esprit, celle d'une pub, amusante mais significative, qui passe en ce moment à la télé. La reine Marie-Antoinette se trouve bloquée à l'entrée d'une salle et ne peut y pénétrer car la largeur de son imposante robe royale l'en empêche. Alors, d'un geste énergique et désinvolte, elle détache l'encombrante parure superflue et franchit la porte sans problème dans une robe droite, toute ordinaire. De même il nous faut voyager léger pour entrer dans la maison du Père.

Chère Marie-Paule, si Jésus nous annonce une porte étroite pour parvenir au salut, ce n'est pas pour en limiter l'accès  et filtrer les arrivées, mais pour nous inviter à nous débarrasser des soucis qui encombrent notre quotidien et gênent le passage, afin de nous recentrer sur l'essentiel. Il nous invite à avoir une âme d'enfant, un enfant qui tient tout de son Père. Le Ciel, ou le Paradis, ou le Royaume de Dieu, peu importe le nom qu'on lui donne, personne ne le ''mérite'' à proprement parler, c'est un pur don divin. Notre seul mérite n'est pas de le ''gagner'' par nos efforts et nos bonnes actions, mais de l'attendre dans l'Espérance - un autre nom de la Foi - et de l'accueillir, en toute humilité et avec reconnaissance, comme un cadeau d'Amour du Père. Nos ''bonnes actions'' ne sont pas le moyen de ''gagner'' le Ciel, mais le fruit de la grâce qui nous est donnée d'être aimé de Dieu et la conscience d'être unique à ses yeux. C'est cela qui nous transforme, transfigure notre existence et nous fait bien agir. Alors Marie-Paule, plus de crainte ni d'inquiétude, mais joie et espérance, dans l'attente de LA rencontre...

Patience, elle viendra en son temps, car ''nous ne savons ni le jour ni l'heure'' !

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