Une amie m'a dit : « Ce qui me paraît le plus difficile à accepter, c’est ''Dieu nous aime''. Cet amour me paraît être un rêve d’enfant transposé dans le sacré. Personnellement , je n’ai pas connu l’amour paternel. Celui de l’âge adulte est resté illusoire. » Pour ma part, au début des années 70, j'ai connu à Roubaix un curé qui sonnait systématiquement aux portes en disant : ''Dieu vous aime ! » Je l'admirais pour cette démarche directe qui disait l'essentiel du message évangélique. Ce n'était pas un ''Dieu vous aime si...'' ou un ''Dieu vous aime à condition que...'' Non, Il assurait ses paroissiens, chrétiens ou non, de l'amour inconditionnel que Dieu leur vouait, sans restriction aucune. Personnellement mon approche était différente, et me semblait plus pertinente, dans la ligne des mouvements d'Action Catholique : rencontrer Dieu en contemplant son action au cœur des hommes et des groupes humains visant à remettre les gens debout, et révéler cette action divine par la Parole., mais cela touchait moins de monde.
Avec le recul mon jugement est plus nuancé. Je reconnais le courage qu'il fallait à ce prêtre pour interpeller ainsi le tout-venant. Cela me remet en mémoire la parabole du semeur, pas très professionnel, de l'évangile, qui balance ses grains un peu partout au hasard, sur le chemin, dans les ronces ou la pierraille, et aussi, fort heureusement, dans son champ., avec des résultats plus ou moins satisfaisants comme on peut le penser (cf l'évangile de Marc au chapitre 4 versets 1 à 9). Ses semences représentent la révélation de l'amour de Dieu qui atterrit dans des cœurs diversement prêts ou pas du tout à la recevoir. Qu'importe, il sème à profusion en se disant qu'il en sortira toujours quelque chose. En cela le comportement de mon ancien confrère était proprement évangélique, ce qui ne vient pas en contradiction avec ma propre approche de l'annonce du Dieu-Amour. L'essentiel au final étant l'annonce de la bonne nouvelle de l'amour de Dieu envers tous.
Je rapproche cette réflexion de mon expérience de couple, toujours amoureux au fil des années de vie conjugale. Cécile ne manquait pas de demander le soir avant de se laisser aller au sommeil : « Dis-moi que tu m'aimes. » Après l'avoir fait languir un peu, je m'exécutais bien entendu, et elle s'endormait le sourire aux lèvres. Dire ''je t'aime'' et s'entendre dire ''je t'aime'', cela fait vivre. Mon confrère, rayonnant de joie intérieure, tout habité par son expérience de foi, a certainement touché bien des gens, interloqués dans un premier temps par cette déclaration incongrue, puis réagissant selon leur propre vécu en matière d'amour, du rejet à la révélation d'exister aux yeux du Tout-Autre.
Importance de dire l'amour, par l'action et par la parole ! Cela est vrai pour toutes les manifestations de l'amour, parental et filial, d'amitié et de couple, quelle que soit l'orientation sexuelle des uns et des autres, et mystérieusement jusqu'au plan religieux.